Barbe blanche

17Mar/22Off

Revenu moyen par habitant, résultats de santé et affectation de l’aide

Le potentiel humain perdu en raison d'une mauvaise santé est immense, en particulier dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. En 2012, jusqu'à 74% des années potentielles de vie en bonne santé ont été perdues en Afrique, dont les deux tiers étaient dues à des maladies transmissibles (Murray et al. 2015). Dans un effort international visant à réduire ce fardeau pour la santé, l'ONU est à l'avant-garde des efforts visant à mettre fin aux épidémies de maladies transmissibles et à fournir un accès universel aux soins de santé de base grâce aux objectifs de développement durable. L'aide au développement pour la santé est un instrument important pour atteindre ces objectifs et a plus que quintuplé depuis 1990 pour atteindre 36 milliards de dollars par an en 2014 (mesurés en dollars de 2014) (Dieleman et al.2015).
Afin d'améliorer les résultats de santé dans le monde, une question importante, mais controversée, est de savoir comment l'aide au développement pour la santé devrait être répartie entre les pays et dans le temps. Les neuf plus grandes organisations multilatérales dépendent fortement du niveau actuel du revenu national brut (RNB) par habitant dans leurs critères d'éligibilité et leurs formules d'allocation.1 En effet, plusieurs articles ont suggéré que des niveaux de revenu national plus élevés sont associés à de meilleurs résultats pour la santé (Preston 1975 , Pritchett et Summers 1996), bien que cette relation ait été contestée par d'autres (par exemple Deaton 2013).
Dans un article récent, nous analysons les déterminants des résultats pour la santé à l'aide de données transnationales pour 99 pays en 2012 (Sterck et al.2018). Au lieu du RNB par habitant, nous constatons que l'environnement épidémiologique d'un pays, l'écart de pauvreté et la capacité institutionnelle sont des prédicteurs importants des résultats sanitaires. Notre article remet donc en question le paradigme des principaux donateurs consistant à mettre fortement l'accent sur le RNB par habitant dans leurs décisions d'allocation. De plus, nous contribuons à la littérature sur les résultats pour la santé et la couverture sanitaire universelle en dérivant un seuil de pauvreté des soins de santé de 10,89 dollars internationaux par jour comme indication du niveau de revenu dont un individu a besoin pour financer les soins de santé de base lorsqu'ils sont gratuits, une couverture médicale universelle manque. En outre, nous proposons une méthode de mesure de l'environnement épidémiologique des pays, qui se révèle être le facteur le plus important affectant les résultats sanitaires. Notre document fait partie d'un numéro spécial plus large sur les méthodes innovantes d'allocation de l'aide mondiale à la santé qui suggère d'aller au-delà du RNB dans l'allocation de l'aide (Bump 2018).
Déterminants des résultats pour la santé

Pour mesurer les déterminants des résultats en matière de santé, nous dérivons d'abord l'écart de pauvreté en dessous du seuil de pauvreté en santé de 10,89 dollars internationaux par jour, afin de mesurer les ressources financières individuelles. Ce seuil de pauvreté est un indicateur du montant de revenu dont un individu a besoin pour acheter des services de santé de base, en prenant les estimations disponibles des coûts des soins de santé de base et en supposant que les individus dépensent 5% de leur revenu en biens et services de santé (Taskforce on Innovative International Financing pour Health Systems 2009, McIntryre et Meheus 2014).
Nous mesurons l'environnement épidémiologique par une moyenne pondérée des DALY du groupe I dans les pays voisins. Pour éviter le biais de simultanéité, nous appliquons un modèle de régression des moindres carrés à deux degrés de décalage spatial (Drukker et al. 2013). Nous mesurons le RNB par habitant en dollars internationaux et la capacité institutionnelle à l'aide des données de la Banque mondiale.
Résultats et implications
Nos résultats indiquent que le log RNB par habitant n'est pas un prédicteur significatif des résultats pour la santé une fois les autres déterminants inclus. L'écart de pauvreté sous le seuil de 10,89 dollars internationaux par jour de pauvreté sanitaire est une bonne mesure de l'accès universel aux soins de santé. Il explique 19% des écarts dans les résultats de santé, tandis que d'autres tests montrent que l'écart de pauvreté en dessous du seuil de pauvreté de 1,90 dollar international par jour utilisé par la Banque mondiale pour mesurer l'extrême pauvreté n'est pas un prédicteur significatif. L'environnement épidémiologique dans lequel les pays sont intégrés capture jusqu'à 47% des écarts dans les résultats de santé. L'importance de l'environnement épidémiologique semble être une conséquence de la nature contagieuse des maladies des AVCI du groupe I perdues, car l'environnement épidémiologique n'est pas significatif lorsqu'on se concentre sur la charge des maladies non transmissibles. Enfin, la capacité institutionnelle explique 10% des écarts dans les résultats sanitaires. Nos résultats restent solides lorsque nous utilisons des instruments pour le RNB par habitant et l'écart de pauvreté, que nous utilisons la variation dans le temps ou différents indicateurs des résultats de santé et de la capacité institutionnelle, ou lorsque nous incluons d'autres prédicteurs des résultats de santé mentionnés dans la littérature.
Nos conclusions sont pertinentes pour le débat sur l'allocation de l'aide au développement pour la santé afin d'atteindre les objectifs de développement durable. Le RNB par habitant n'est pas un déterminant direct des résultats pour la santé, même s'il peut être un indicateur raisonnablement bon de la santé une fois que d'autres facteurs sont ignorés. En outre, le RNB par habitant est révélateur des capacités des pays à financer les soins de santé au niveau national. L'importance de la pauvreté individuelle dans l'explication des résultats de santé suggère que le niveau du RNB par habitant ne reflète pas le degré de couverture sanitaire universelle et l'inclusivité des revenus dans un pays (Nolan et al.2018). Le RNB par habitant ne saisit pas non plus pleinement la nature potentiellement contagieuse et transfrontière des maladies transmissibles. L'importance de la capacité institutionnelle en tant que déterminant des résultats de santé suggère que la qualité de la gouvernance est importante pour la construction d'un système de santé solide.
Notre constat suggère que la prédominance de compter sur le revenu moyen (RNB par habitant) comme mesure clé dans l'allocation de l'aide au développement pour la santé est discutable. Notre recherche suggère plusieurs paramètres que les donateurs peuvent utiliser comme alternatives ou qui peuvent jouer un rôle complémentaire. La manière dont ces paramètres entreront dans les formules d'allocation de l'aide au développement des donateurs dépendra des objectifs de développement et des priorités des donateurs.

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