Barbe blanche

23Avr/16Off

Colloque de Dublin sur la Chine

Dublin

Il y a peu, j'ai assisté à un congrès économique à Dublin. Une bonne partie des interventions auxquelles j'ai assisté concernait la Chine, et plus particulièrement les doutes qui se posaient quant à son évolution. S'il est évident que ce pays est destiné à obtenir une grande place sur la scène internationale, une bonne partie de son succès dépendra de la capacité de ses dirigeants à le conduire dans la bonne voie. Car les défis qui l'attendent sont nombreux, et il n'est pas sûr que les dirigeants du Parti soient capables de négocier le virage. En s'attaquant à ces défis, les dirigeants chinois doivent en effet maintenir le délicat équilibre entre l’ouverture nécessaire au maintien de la croissance économique (essentielle pour que l‘opinion publique tolère le monopole du Parti communiste sur le pouvoir) et les restrictions nécessaires à la protection de ce monopole. Face à tant de bouleversements sociaux et économiques, le Parti communiste et la position qu’il occupe risquent fort de connaître de nouvelles transformations. En fait, les dirigeants du Parti évoquent eux-mêmes ouvertement la nécessité de trouver de nouveaux moyens de préserver le rôle dominant du Parti. À ce jour, toutefois, l’ouverture du système à des élections et à une presse libres ne semble pas au programme. En outre, il n’est pas envisageable que la pression sociale impose l’avènement de la démocratie en Chine à l’horizon 2025. Cela étant dit, le pays pourrait s’acheminer vers davantage de pluralisme politique et vers l’obligation pour les autorités de rendre des comptes à leurs citoyens. Les dirigeants chinois peuvent aussi continuer de gérer les tensions en misant sur une croissance robuste sans menacer le monopole politique du Parti, comme c’est le cas depuis trois décennies. Mais le ralentissement économique de ces derniers mois montre bien que le pari est loin d'être gagné. Cela dit, si un marasme économique prolongé peut représenter une réelle menace politique, le régime peut toujours détourner les critiques en attribuant les malheurs de la Chine à des ingérences étrangères. Mais là aussi, cette solution ne serait pas sans conséquence. Cela permettrait d'attiser les formes les plus virulentes et les plus xénophobes du nationalisme chinois. Et une xénophobie de plus d'un milliard d'habitants ne doit pas être prise à la légère. Il faut savoir qu'historiquement, les peuples qui s’habituent à voir leur niveau de vie augmenter réagissent avec colère dès qu’on cesse de combler leurs attentes ; et en la matière, peu de peuples ont nourri davantage d’attentes que les Chinois ! D'autre part, le rang international de la Chine repose en partie sur le calcul des étrangers qui la voient comme « le pays de l’avenir ». Si les étrangers venaient à traiter le pays avec moins de déférence en raison de sa perte de vitesse, les Chinois nationalistes pourraient réagir très vivement à ce changement. J'ai trouvé les questions de ce congrès absolument passionnantes, car elles montraient à quel point le pari chinois était loin d'être aussi lumineux et tout tracé qu'on ne le dit généralement. Ce congrès m'a en outre permis de découvrir Dublin, ce qui est évidemment un plus. D'ailleurs, je vous mets en lien l'agence qui s'est occupée d'organiser ce séminaire à Dublin : j'ai beaucoup apprécié l'organisation millimétrée qui a permis de se focaliser pleinement sur le fond.

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23Avr/16Off

Mauvaise eau

La cour d'appel de Paris a donné raison à un usager qui demandait des comptes à Veolia en raison de la mauvaise qualité de son eau de robinet. Une décision qui pourrait faire jurisprudence, assurent des associations de défense des consommateurs. Généralement, lorsque l'eau qui coule dans les robinets est de mauvaise qualité, les usagers se plaignent et attendent que le problème passe. Rares sont ceux à envisager une action en justice contre leur fournisseur d'eau. Et pourtant, l'option est plus que jamais sur la table. Dans un arrêt daté du 17 septembre dernier, la cour d'appel de Paris a donné raison à un usager qui accusait Veolia de ne pas lui fournir une eau potable de qualité. Une décision qui ouvre la voie à d'autres actions en justice, selon les associations de défense de consommateurs. «C'est le premier arrêt de ce genre. Le consommateur a été pris en compte, ce n'est pas fréquent», commente Jacques Margalef, président de l'association France assainissement eau (AFAE). Dans le cas jugé par la cour d'appel de Paris, Veolia était opposée à un père de famille habitant une maison dans le département de l'Essonne. Entre 2007 et 2012, ce dernier a constaté, après avoir fait faire plusieurs prélèvements, que l'eau qui coulait dans ses robinets n'était pas conforme aux normes en vigueur. Alertée, la société Veolia, qui gère l'eau de la ville dans le cadre d'un contrat d'affermage, tarde à agir. L'usager décide alors de se retourner contre elle en 2012. Débouté en février 2014 par le tribunal de grande instance de Paris, le père de famille fait appel. En septembre, la cour d'appel finit par casser le premier jugement et lui donne raison. Veolia est condamnée à lui verser 7560 euros au titre du préjudice de jouissance (prenant en compte le remboursement des factures d'eau), 1000 euros pour préjudice moral et 4000 euros pour les frais de justice engagés. Mais plus que cette somme, c'est le rappel à l'ordre envoyé par la justice à Veolia qui suscite l'intérêt des observateurs. En effet, après avoir décortiqué le contrat qui lie la commune à ce dernier, la cour d'appel en arrive à la conclusion que «la société Veolia et la société française de distribution d'eau ont manqué à leur obligation qui est une obligation de résultat». Elle rappelle même que «le délégataire est toujours responsable de la qualité de l'eau et de la réparation des dommages causés». Selon un juriste spécialisé, «c'est un jugement très sévère car il pose le principe de la responsabilité du délégataire». Autre fait nouveau: «au lieu de se baser sur le code civil, comme c'est le cas d'habitude dans une affaire de droit privé, le juge s'est fondé directement sur le contrat liant la ville au délégataire», explique-t-il. Les conséquences pour les usagers sont directes: «Il y a une faille potentielle à exploiter concernant la responsabilité des différents partis. Les usagers peuvent se retourner contre leur fournisseur sur la base de cet arrêt. Ce jugement peut faire jurisprudence», assure ce juriste.

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23Avr/16Off

Nécessité de l’action

La nécessité, moyen en vue de l'unité, ne saurait suffire à elle seule pour achever l'entière unité de la pensée. Si la nécessité a une valeur scientifiquement incontestable quand on en fait une partie de la réalité et une condition de la science, elle n'a plus métaphysiquement la même valeur quand on en veut faire le tout de la réalité. Le déterminisme, qu'il soit à priori comme chez Kant ou à posteriori comme chez Stuart Mill, est un formalisme intellectualiste. Ce formalisme est inévitable et vrai sans doute, mais il ne rend pas compte de la réalité. Nous avons vu qu'il absorbe notre réalité comme sujets individuels dans le grand tout, dont nous ne sommes plus qu'une des formes. Ce tout lui-même, cet objet, il n'en présente encore que la forme et le plan nécessaire, non le fond vivant et agissant. Dès lors, il n'y a plus de tous côtés que des rapports sans termes. Leibnitz n'avait donc pas tort de dire que le déterminisme logique, mathématique et mécanique de Descartes est la face extérieure de la réalité, dont la face intérieure doit être plus ou moins analogue à ce que nous trouvons en nous-mêmes. La conscience, en effet, ne semble plus être un extérieur, mais un intérieur, et le seul que nous connaissions; du moins doit-elle nous placer à un point de vue plus central, d'où le mécanisme nous apparaît comme externe. En somme, peut-on dire, c'est avec nos sensations ou nos pré-sensations que nous sommes obligés de construire et d'imaginer le monde mécanique lui-même, et c'est avec notre intelligence que nous concevons ses lois. Tout dépend donc de notre conscience même et de sa constitution. On voit que Kant a eu raison de faire remonter le principe du déterminisme jusqu'aux conditions de la conscience. Seulement, dans la conscience, il a surtout considéré la pensée et le déterminisme intellectuel; or l'intellectualisme est, tout comme le mécanisme, un aspect de surface. Kant s'en est trop tenu à un à priori intellectuel, à des formes constitutives de la pensée, à des cadres logiques. Le mécanisme et l'intellectualisme se ramènent en définitive à de la sensibilité et à de l'activité. Ce qui est à priori pour la conscience, ce n'est pas le penser, c'est le sentir et l'agir. Les principes universels de Kant ne sont que l'extension au dehors de notre constitution intime. Façonné par le macrocosme, le microcosme en réagissant exprime le grand monde, et même le reconstruit en soi à son tour.