Barbe blanche

4Jan/18Off

Partir pour la Syrie en toute insouciance

Le voyage des jeunes pour rejoindre les zones de conflit de Daesh ressemble parfois à un voyage d’agrément où ils vont prendre en photo leur progression, les panneaux indicateurs, les étapes, les lieux symboliques comme une frontière, une carcasse de char calcinée ou un poste de garde. Jusque-là, tout reste un jeu teinté d’impatience et d’insouciance. C’est le circuit tour-operator de l’avant-« jihad » ; presque les mêmes poses, les mêmes sourires enthousiastes. Ils postent sur Twitter ou Facebook leurs messages, leurs photos ; leurs commentaires zélés cherchent à convaincre d’autres jeunes de les imiter. Tout semble si simple. Puis vient l’arrivée dans les bases arrière. La période de la rencontre avec les autres combattants les mène au comble de l’euphorie : tous ces guerriers revenus du front paraissent plus grands, plus durs, plus fantastiques, plus redoutables. Ils semblent incarner une race de seigneurs. Le processus d’identification narcissique fait alors son œuvre. Chaque novice s’impatiente de gagner les rangs des combattants. La jeune recrue croit pouvoir survivre psychologiquement à cette épreuve, car elle incarne la toute-puissance d’un nouveau personnage mystique : celui à qui tout est permis. Celui qui a droit de vie et de mort sur chacun. Un démiurge sanguinaire, instrument de la volonté de Dieu. Quoi de mieux que de commettre ces exactions sous le nom d’emprunt d’un nouveau héros : Abou X… Les idéologues du « Jihadoweb » ne se sont pas trompés et ils demandent aux candidats au départ de choisir rapidement leur nouveau nom de combattant. Le « film dont vous êtes le héros » prend racine ici, par le choix du nom de guerre. Internet, Facebook, Twitter, serviront à témoigner de l’aventure. On voit donc toute l’importance du changement de nom pour ces recrues et toute la stratégie d’effacement à la fois de l’identité et de la culpabilité.

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