Barbe blanche

23Avr/16Off

Nécessité de l’action

La nécessité, moyen en vue de l'unité, ne saurait suffire à elle seule pour achever l'entière unité de la pensée. Si la nécessité a une valeur scientifiquement incontestable quand on en fait une partie de la réalité et une condition de la science, elle n'a plus métaphysiquement la même valeur quand on en veut faire le tout de la réalité. Le déterminisme, qu'il soit à priori comme chez Kant ou à posteriori comme chez Stuart Mill, est un formalisme intellectualiste. Ce formalisme est inévitable et vrai sans doute, mais il ne rend pas compte de la réalité. Nous avons vu qu'il absorbe notre réalité comme sujets individuels dans le grand tout, dont nous ne sommes plus qu'une des formes. Ce tout lui-même, cet objet, il n'en présente encore que la forme et le plan nécessaire, non le fond vivant et agissant. Dès lors, il n'y a plus de tous côtés que des rapports sans termes. Leibnitz n'avait donc pas tort de dire que le déterminisme logique, mathématique et mécanique de Descartes est la face extérieure de la réalité, dont la face intérieure doit être plus ou moins analogue à ce que nous trouvons en nous-mêmes. La conscience, en effet, ne semble plus être un extérieur, mais un intérieur, et le seul que nous connaissions; du moins doit-elle nous placer à un point de vue plus central, d'où le mécanisme nous apparaît comme externe. En somme, peut-on dire, c'est avec nos sensations ou nos pré-sensations que nous sommes obligés de construire et d'imaginer le monde mécanique lui-même, et c'est avec notre intelligence que nous concevons ses lois. Tout dépend donc de notre conscience même et de sa constitution. On voit que Kant a eu raison de faire remonter le principe du déterminisme jusqu'aux conditions de la conscience. Seulement, dans la conscience, il a surtout considéré la pensée et le déterminisme intellectuel; or l'intellectualisme est, tout comme le mécanisme, un aspect de surface. Kant s'en est trop tenu à un à priori intellectuel, à des formes constitutives de la pensée, à des cadres logiques. Le mécanisme et l'intellectualisme se ramènent en définitive à de la sensibilité et à de l'activité. Ce qui est à priori pour la conscience, ce n'est pas le penser, c'est le sentir et l'agir. Les principes universels de Kant ne sont que l'extension au dehors de notre constitution intime. Façonné par le macrocosme, le microcosme en réagissant exprime le grand monde, et même le reconstruit en soi à son tour.

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